11, 11 novembre 2005, Arts Sauts

 

Ils ont amarré leur grand vaisseau blanc tout rond à l’emplacement même du Grand Pavois. Grande voile gonflée et tendue, bien ancrée sur ses boudins emplis de tonnes d’eau, la bulle des Arts Sauts abrite ici, pour quelques semaines, une structure et un spectacle extraordinaires. Mais ce qui est le plus intéressant pour nous, par rapport à nos propres montages d’équipages, nos problèmes de réglages, de matériel, d’entretien…, c’est la similitude de traitement des différents éléments qui composent ici un bateau et un équipage, là une compagnie de spectacle itinérante et un collectif d’artistes…

Aux Arts Sauts, chacun, qu’il soit spécialiste de la voltige, du porté, de la musique, de la lumière…, peut aussi remplir, au pied levé, les fonctions de plusieurs de ses co-équipiers. Il sait ce que l’autre fait, ce que chacun attend de lui, ce qu’il doit donner et ce qu’il peut recevoir. Tous participent au montage de ce bel outil, tous en ont été les concepteurs, en réalisent les modifications et les améliorations. Tous ont dans la tête l’ensemble de la chorégraphie qu’ils ont inventée, et ils en imaginent en permanence les développements, dans une recherche ininterrompue du petit plus qui pourtant ne les satisfera encore pas.

Le montage de la structure, ensemble de tubes métalliques, de câbles et de bout’s, de ridoirs et de filets, d’espars et d’agrès, requiert l’attention de toute l’équipe, qui aura confiance dans son bâtiment, qui en connaîtra toutes les finesses, et qui pourra l’exploiter sans arrière pensée, inventant continuellement, pour son plaisir et pour le nôtre, d’impossibles arabesques.

J’ai trouvé quelques similitudes entre cette équipe soudée et aguerrie, passionnée et ouverte, en quête de perfection et de communication, prête à partir au bout du monde, et un équipage sur l’embarquement. J’ai trouvé quelques similitudes entre l’aventure des Arts Sauts et le montage d’une campagne de navigation, que celle ci soit en course ou en croisière, simplement parce que, une fois le bateau parti, son équipage doit pouvoir affronter toutes les conditions en autonomie, ce qu’il fera d’autant mieux que la préparation aura été peaufinée.

L’un des jours de relâche, je leur ferai découvrir la mer. Je sais déjà qu’ils m’en apprendront des aspects que j’ignorais.