20, 13 janvier 2006, Livre de bord

 

J’ai eu, ou plutôt mon bateau a eu pour cadeau, dans ces fêtes de fin d’année, un superbe document cartonné, relié, enluminé, dont les pages encore vierges n’attendent que la plume du ou des rédacteurs qui voudront bien l’ouvrir. C’est un livre de bord.

Comme qui dirait une future mémoire de mon bateau, de ses petites et grandes histoires, de ses avatars et des bons soins dont il aura été l’objet, des navigations entreprises, des difficultés rencontrées, des échouages fortuits, des escales recommandées, des restaurants à éviter, des bars à fréquenter, des douches accueillantes, des pontons agités et des mouillages tranquilles…

Sur mon livre de bord, chaque page est divisée en deux : une partie « sérieuse », avec des colonnes et des rangées, des postes, des heures, des caps à suivre, des relevés de positions et des conditions météorologiques. Ces annotations, qui sont d’ailleurs obligatoires pour certaines catégories de navigation, permettent de retracer la vie technique du bateau, et aident très efficacement à en connaître l’historique.

Une autre partie, toute blanche, n’attend que la bonne volonté de l’équipage pour être agrémentée des mille et mille petits détails qui racontent une croisière, décrivent un lieu, permettent de sentir la qualité d’un accueil, et d’en percevoir le goût de « revenez-y ».

Le pêcheur notera les positions secrètes du fameux coin à bar, et la façon dont il a monté sa ligne, le technicien se souviendra de la qualité des fonds, des alignements d’entrée qui permettent d’éviter un caillou affleurant. Je conserve dans mes archives le livre de bord de mon grand-père, embarqué en 1920 sur la Jeanne d’Arc, et annoté par le premier maître en charge de l’instruction des midships. Les cartes sont redessinées, les apparaux de mouillage détaillés, les manœuvres de la Jeanne et des navires des autres nations commentées… Il s’agit d’un véritable journal, méticuleusement tenu, et qui permettrait de retracer tous les événements affectant, de près ou de loin, ce qui touche au navire.

Sans aller jusque là, j’ai bien l’intention de remplir et de faire remplir, à partir de ce jour, le livre de bord de mon bateau, et, contrairement aux années précédentes, j’espère bien aller un peu plus loin que la dixième page…