24, 10 février 2006, Brumes
Hier matin, en descendant le long du canal
Maubec, le débouché sur le quai Duperré était tellement féerique que l’on était
transporté dans un autre monde.
La lumière de ce superbe début de journée
dévoilait juste le haut des mats de bateaux du bassin intérieur. Les pontons du
havre d’échouage, en cours de mise en place, semblaient comme enveloppés de
coton. Le pavillon national, fièrement établi plus haut, au sommet de la tour
saint Nicolas flottait, tout net, dans une atmosphère déjà pure et claire.
Dessous, on devinait à peine le chenal, dans l’espace entre les tours, et le
passeur arrivait de nulle part, comme sur un tapis volant, posé sur rien, dans
un invisible sillage.
Et puis, avec le réchauffement du soleil
d’hiver, le voile s’est tout à coup déchiré.
Rapidement,
alors que je m’étais posé pour
boire un petit café et jouir du spectacle, les contours se sont
fait plus nets,
les éléments qui étaient jusqu’alors
séparés se sont enfin reliés, se sont posé
sur leurs bases à nouveau visibles, ont repris leur forme, leur
dimension et
leur réalité. Les façades se sont aplaties sous la
lumière crue, et on a pu,
tout d’un coup, distinguer la limite entre l’air et
l’eau. On est redescendu
sur terre, on a retrouvé ses repères, on s’est
secoué et on s’est extirpé à
regret de ce rêve que l’on a contemplé les yeux
grands ouverts, et dont on
gardera en soi les images irréelles.
En mer, la brume représente bien sûr un danger,
elle doit être apprise, respectée et apprivoisée, elle peut, parfois, engendrer
quelques inquiétudes quant à la position du bateau, la proximité de la côte,
l’éventualité d’une collision.
Mais le spectacle qu’elle nous offre vaut bien
ces quelques indispensables précautions.