30, 24 mars 2006, Ports de La Pallice

 

C’était avant le plan vigie Pirate et toutes les contingences qu’il a développées. C’était quand les pêcheurs du soir venaient, à la nuit tombée, taquiner à la turlutte les petits calmars sous le pont qui mène au môle d’escale, quand son accès était bien « réservé au service », mais libre tout de même pour les amoureux de ce site hors du commun.

Lorsque des amis extérieurs à La Rochelle venaient me rendre visite, que l’hiver réservait ses longues nuits froides, ventées, pluvieuses, brouillardeuses, que les cargos déchargeaient, dans un halo de lumière crue, sur cette île artificielle de béton, flottant sur un fond de sable, leur cargaison venue de l’autre bout de l’Atlantique, de l’autre bout du Monde, je les emmenais dans cette balade hors du commun, hors du temps, au cours de laquelle on se sentait comme dans un film de Hitchcock, s’attendant à tomber, au coin de chacun des hangars un peu lugubres, sur une scène épouvantable que l’on redoutait en l’espérant secrètement…

Aujourd’hui, seul le port de pêche de La Pallice reste accessible au public, avec ses petites cahutes ateliers bien alignées, dans lesquelles les marins ou les artisans entreposent leurs outils, filets, casiers, apparaux divers et variés. Les couleurs vives font un peu penser à ces ports du Danemark, les filets en réparation, étendus sur le sol, ne gênent personne, les bateaux attendent sagement sur leur ponton que la marée soit propice, que le matériel soit au complet, que l’équipage soit prêt. De l’autre coté, vers la criée, les caisses et cagettes sont empilées, avant d’être remplies, demain matin peut-être, et expédiées sur les marchés de France et de Navarre.

Juste à coté, le parc des grumes, ces énormes billes de bois, accueille les essences du Brésil, d’Afrique, du Canada, d’autres pays lointains que je ne saurais même pas où placer sur une carte… Si le vent est au nord, il m’apporte les odeurs un peu âcres et acides de ces bois qui font voyager. Et je peux observer la noria des engins de manutention et des camions dans un hors d’échelle qui ferait penser à des scarabées maniant des brindilles avec leurs pinces.

C’est tout proche, c’est une découverte d’un monde fascinant, c’est une des facettes importantes de notre relation avec la mer.