40, 1° juin 2006, La loi du moindre effort

 

On ne sait pas vraiment pourquoi, mais c’est souvent comme ça : Si on part en croisière au louvoyage, contre le vent, il y a toutes les chances pour que celui-ci tourne malicieusement juste au moment du retour, et que, alors que l’on pensait pouvoir rentrer tranquillement aux allures portantes, on ait à conserver bottes et cirés pour continuer de naviguer dans des conditions inconfortables. L’un des grands principes d’une croisière réussie, c’est de partir vent arrière, pour revenir vent arrière. En effet, chacun sait depuis longtemps que la navigation contre le vent, c’est deux fois le temps, trois fois la peine. Alors que la progression aux allures portantes est rapide, directe, évite les embruns sur le pont, les coups de gîte incontrôlés, permet presque de faire des pronostics au sujet de la fameuse ETA, heure estimée d’arrivée.

Comme en montagne, les distances ne se mesurent pas directement sur la carte, en traçant une simple ligne droite. Il faut aussi tenir compte des montées et des descentes, de la nature et des difficultés du terrain, des avantages liés à un parcours un peu écarté de cette ligne droite. Quand, lors de la course de La Rochelle à la Nouvelle Orléans, le catamaran Charente Maritime avait délibérément et seul de tous les concurrents choisi la route des alizés, quelque 15% plus longue que la sacro-sainte orthodromie, tout le monde avait crié au coup de poker, à un choix suicidaire… Mais non, cette option était parfaitement réfléchie, prenait en compte les caractéristiques du bateau, associait ses performances aux prévisions météorologiques. Le résultat, on s’en souvient, a été une écrasante victoire, réalisée dans un confort de navigation qui frisait l’indécence par rapport aux pauvres adeptes de la route plus au Nord, qui avaient bataillé contre le vent et qui n’étaient arrivés que bien plus tard, sur une route pourtant nettement plus courte en distance pure.

Exploiter au mieux les éléments qui nous sont proposés, s’en faire des alliés au lieu de les combattre, c’est choisir la solution du moindre effort, et, même en croisière, cela permet de s’économiser, d’épargner les forces de son équipage, d’être plus tôt à l’escale, de jouir plus longtemps des endroits sympathiques, d’avoir l’occasion de faire plus de rencontres, de découvrir des gens, de nouer des amitiés, de profiter des bons moments.